Do I look like I wanna dance ? ft. Jesse

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— « Ouais, monte, je passe juste sous la douche... t'as le code de la porte, de toute ! Fais pas attention au bordel. » Je relâchais l'interrupteur de l'interphone dans un petit sourire et poussais légèrement les chaussures qui dépassaient dans l'entrée pour faire un semblant de rangement dans cet appartement bien trop peu ordonné. La femme de ménage ne devait venir que demain et disons que le temps que je passais à la maison ne consistait en tout cas pas à faire attention à mes affaires. Boîtes de repas à l'emporter et autres courriers ou factures s'accumulaient par-ci par-là, au gré de mon manque d'envie de faire des efforts sur le rangement. La chambre, n'en parlons pas non plus. Je retrouvais encore parfois des habits que je pensais avoir perdu, lorsque l'envie de me pencher sous le lit me prenait, mais il serait peut-être temps que je fasse quelque chose vis-à-vis de tout ça... en plus, j'étais censé inviter une nana ce vendredi, ce serait quand même mieux qu'elle n'ait pas envie de fuir en voyant l'état de mon environnement.

Quoi qu'il en soit, Jesse était habitué, lui, donc ça ne me posait pas tellement de soucis de le laisser circuler librement. Il avait vu ma chambre d'ado, maintenant, j'avais juste upgrade ça à un appart d'ado. Ramassant quand même le caleçon et les chaussettes qui trainaient sur le parquet, puis jetant les mégots du cendrier de la table basse du salon à la poubelle, je m'empressais d'aller ouvrir en grand la baie vitrée, puis de filer à la salle de bain. Une fois la lessive au sale, je me rafraichis alors enfin de la tête aux pieds en vitesse. Flemme de me raser, par contre, on ferait sans, surtout si quelqu'un m'attendait à côté. « Mec j'espère que t'as pas faim parce que j'ai rien, hein ! Je te déconseille le fond de jus dans le frigo... » Je crois qu'il était là depuis un mois ? Ou un mois et demi, j'sais plus.

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— La vie était parfois pleine de dénouements inattendus. Si j'avais su, quelques années plus tôt, que mon frère finirait par vivre dans un tel capharnaüm alors que ma vie ressemblerait à quelque chose, j'aurais cessé de m'en faire pour ma santé et j'aurais pris soin de la sienne. J'aurais pu l'imaginer, pourtant, quand je le voyais avec ses histoires de fées, ses habitudes un peu étranges et sa passion pour l'astrologie... J'avais entré le code de la porte d'entrée avant de faire quelques pas dans la pièce en poussant un soupir au moment où mon pied était entré en contact avec un emballage de repas vide.

« James, faut qu'on parle. C'est quoi ce bordel ? » Ce n'était pas pour ça que j'étais venu, à la base, mais il était peut-être temps que les choses changent. Un soupir m'échappa alors que je le regardais une fois encore. « Et tu comptes pas te raser ? » Non, parce qu'il ne ressemblait à rien. Ce n'est pas parce qu'il avait quarante-et-un ans qu'il fallait qu'il arrête de prendre soin de lui, c’était n’importe quoi.

Oui, je me permettais de lui remonter les bretelles : j’avais une vie plus ou moins stable, avec ma femme, ma fille et mon zoo personnel, moi qui pendant une époque était sans cesse en train de péter des câbles à cause de mes angoisses… J’avais fini par trouver un semblant de paix intérieure, au prix de longs efforts et d’un traitement que je m’étais acharné à suivre pendant des années. Ce n’était jamais totalement résolu, ce genre de problèmes, mais tout de même… Parfois, je me demandais si James méritait l’endroit où il se trouvait désormais. « T’es sûr que tout va bien ? » Si ce n’était pas le cas, il ne m’en parlait pas. Je comprenais un peu cette décision : je n’avais pas toujours été très doué pour gérer les problèmes des autres, mais ce qu’il devait comprendre, c’est que les choses avaient changé, pour moi aussi. En plus, on disait souvent que le désordre intérieur se manifestait à l’extérieur… Ce qui rendait l’état de cet appartement encore plus préoccupant.

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— Urgh... ça y'est, voila qu'il me donnait l'impression de parler comme notre daron, lorsqu'il utilisait ce ton. J'avais horreur d'être sermonné de la sorte, encore plus lorsque je savais pertinemment que j'étais en tort... et d'un autre côté, en quoi cela l'étonnait-il ? Ce n'était pas la première fois que je l'accueillais dans de telles conditions, que diable. Pas spécialement fier de la situation, je finis tout de même par relever le nez lorsque Jesse s'attaqua à mon manque d'entretien personnel et tirais un peu sur mon t-shirt, tout en approchant de lui. « Woh woh woh, calme ta joie, frère... je suis en jour-off. » Ça n'expliquait clairement pas l'état de l'appartement qui me rendait relativement nerveux quand aux prochains commentaires que Jesse pourrait avoir à son encontre, mais je pouvais bien me permettre de ne pas me raser si je n'avais pas de shooting ou de tournage d'émission en vue, non ?

Balayant les commentaires de mon frangin d'un geste de la main, je partis donc à la cuisine pour nous trouver quelque chose à siroter et lui attrapais simplement le bras pour le trainer avec moi sur le balcon. Il faisait chaud, aujourd'hui, alors personne n'y verrait d'inconvénient, n'est-ce pas ? Puis aussi, la vue sur Séoul faisait plus rangée que l'appartement. Ce qui me surpris néanmoins, ce fut la question qui fusa tout à coup dans mes oreilles et me laissa à cligner un peu des yeux, décontenancé. Il venait vraiment... de me demander si j'allais bien ? « Hn... » Réponse-réflexe. « Je suis juste un peu beaucoup pris de court par le temps, en ce moment... beaucoup de boulot. » Ce qui n'était pas faux en soit. Mon planning serré ne me laissait pas le temps de faire grand chose d'autre que de dormir lorsque je rentrais à la maison... et lorsque j'avais congé, l'état des lieux me décourageait d'avance en matière de ménage. « Les enfants vont bien ? »

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— Je n’avais pas envie de brusquer James, mais vivre dans un dépotoir comme il le faisait n’était décidément pas la solution à ses problèmes, quels qu’ils soient. Sauf qu’en entendant sa réaction, je ne pus que froncer les sourcils en désignant le sol jonché de déchets, comme si c’était la chose la plus naturelle à faire : qu’importe l’endroit où j’aurais pu pointer, je serais tombé sur de nouvelles atrocités, et je ne voulais pas savoir ce qui se cachait dans cet appartement. « T’es en jour off depuis combien de temps exactement ? Trois décennies ? » S’il comptait sur moi pour abandonner la partie alors qu’il était manifestement en train de faire n’importe quoi, il se foutait le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Je poussai un soupir en réalisant qu’il ne m’écoutait pas vraiment, avant de le suivre jusqu’au balcon, toujours aussi mécontent de la situation dans laquelle je venais de le trouver. D’ailleurs, je croisai les bras, laissant mon regard se poser sur lui alors qu’il reprenait la parole. « Donc, c’est non. » Un soupir m’échappa encore. « James, tu réalises que t’es en train de foutre ta vie en l’air, ou t’as vraiment besoin que je vienne te le rappeler en te mettant le nez dans la merde ? »

Il valait tellement mieux que ça. Prendre soin de sa santé, ou même carrément de lui-même… C’était quand même mieux, non ? Il ne pouvait définitivement pas être en bonne santé en vivant dans une décharge. « Ma fille va bien. » Parce que je n’avais qu’un enfant, au cas où il l’aurait oublié. « Ça t’arrive de prendre congé parfois ? Genre, vraiment congé. Ou de demander de l’aide si ça ne va pas ? » Qu’il ne vienne pas me dire qu’il n’avait pas l’occasion ou pas le temps : il savait parfaitement par quoi j’étais passé, et ce n’était pas le genre d’excuses que je pouvais accepter. Parfois, je ne comprenais pas comment il en était arrivé là. « La New Edge m’a contacté, j’imagine que toi aussi. Ils veulent faire un concert avec d’anciens groupes. T’as des nouvelles de Minjun ? »

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— Il ne lâchait vraiment pas l'affaire, hein ? Evitant fortement son regard et même totalement, en fait, je détournais légèrement la tête du côté opposé du balcon pour ne pas avoir à croiser son air courroucé. Fuir était une réaction inutile, vous me direz, mais avec ce que je venais d'entendre sortir de sa bouche, comment était-je censé réagir, au juste ? Le contredire ? Ça n'aurait fait que l'énerver encore plus et... bref. Tournant la tête vers le salon pour en vérifier l'état, comme si je n'étais pas déjà parfaitement au courant de ce à quoi il ressemblait, je rassemblais finalement mon genou gauche vers moi, de manière protectrice. Avec le silence, peut-être qu'on finirait par changer de sujet ? Et c'est ce qui se passa, à mon plus grand soulage. Le concert. Ah... fameux concert. Une partie de moi voulais y participer, mais l'autre non. Même si j'étais encore bien en contact avec les personnes dans le milieu du divertissement de par mon métier, il y en avait certain que je préférais simplement ne pas recroiser. « Oui, je leur ai dis qu'on leur donnerait notre réponse après en avoir discuté entre-nous... j'en n'ai pas encore parlé avec Minjun, mais je pense que ça lui ferait plaisir, il est assez partant pour ce genre de trucs, en général. Enfin... c'est Le Minjun, quoi. » Vraiment quelqu'un d'adorable, ce garçon, bien que complètement obsédé par son mec depuis que je le connaissais. « Je l'appellerai tout à l'heure... et toi, t'en penses quoi, ça te tente ? »

J'attendis sagement d'avoir sa réponse pour me positionner à mon tour, puis, ce fut le retour du silence de mon côté, silence qu'il faudrait bien briser à un moment donné vu qu'après-tout, j'étais bien conscient que ces remontrances avaient pour racine une réelle inquiétude. Foutre ma vie en l'air, voila les mots qu'il avait utilisé un peu plus tôt et qui me provoquaient, à vrai dire, un certain sentiment de honte. « Jesse... tu t'es souvent demandé ce que tu fichais là ? J'ai toujours eu l'impression de savoir où j'allais et pourquoi je faisais ce que je faisais... mais depuis quelques temps, j'ai juste l'image d'être un mec qui navigue à vue, de nuit. » Autant dire que ça n'offrait que peu de visibilité sur l'avenir. « Je devrais peut-être changer de job... » Celui-là commençait à me rendre malade alors que ça m'avait toujours passionné, mais le mot passion n'était plus tellement d'actualité, ni pour ça, ni pour grand chose, en réalité. Globalement, je me sentais relativement désarmé face à ce qui m'arrivait, avouons-le... « J'en sais foutrement rien... »

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— Dans sa tête, James devait certainement penser que je réagissais comme ça parce que j’étais scorpion. Ça n’aurait pas été très étonnant, le connaissant : il avait toujours été un peu trop obsédé par l’horoscope et de genre de choses. Même si je comprenais, je n’avais pas envie de le laisser faire n’importe quoi de sa vie : c’était ça et non mon signe astrologique qui était la raison de ma colère. Enfin, les choses n’étaient pas aussi horribles qu’elles auraient pu l’être. Il aurait pu décider de devenir astrologue et vivre en ermitage à l’autre bout du monde. Remarquez, peut-être aurait-il eu un environnement de vie plus sain, s’il l’avait fait. Pour l’heure, ce n’était pas gagné. « C’est pour ça que je venais te voir. J’avais pas envie d’accepter avant d’avoir votre avis à tous les deux. » Après tout, nous avions tous emprunté des chemins différents, et si je m’étais consacré à ma carrière d’acteur afin d’avoir un peu plus de liberté personnelle, je ne pouvais pas me permettre d’accepter une idée comme celle de ce concert sans avoir contacté mes anciens collègues. « On verra s’il sera toujours aussi enthousiaste à quarante ans. » dis-je en un rire. Dire qu’il n’avait encore que trente-huit ans et que James et moi avions tous les deux passé ce cap fatidique. « Il est toujours avec son mec ? » Depuis le temps. Je me rappelais encore quand il me cassait les pieds à l’inviter à l’appartement.

Un soupir m’échappa malgré moi à la question de James. « Tu sais très bien que oui. » Ça, d’autres choses… Je m’étais même demandé si les gens qui m’entouraient étaient réels et si je vivais dans une simulation informatique, mais j’avais trop regardé Matrix. Un soupir m’échappa. « T’as pas un truc qui te plairait plus que ce que tu fais là ? Tu fonces droit dans le mur à ce rythme. » Je me rappelais qu’avant XGEN, il était passionné d’astrologie, de toutes ces choses. « T’as déjà pensé à lâcher l’Entertainment pour faire un truc qui te plait vraiment ? Au pire va faire un tour du monde, tu lâches tout, ça t’ouvrira peut-être les yeux. C’est pas comme si t’avais pas de fric. »

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— Je savais très bien que oui... en effet, je savais très bien. Jesse s'était admirablement bien sorti de ça, d'ailleurs, même si ça ne s'était pas fait en un jour et qu'il devait sûrement encore avoir à lutter contre des pics d'angoisse irrationnels dans certaines situations. Lui qui avait du mal à supporter les enfants à l'époque, eh bien finalement, il faisait un très bon père et depuis l'arrivée de sa petite, j'avais découvert une toute nouvelle manière de sourire, assez touchante, chez lui. Je ne saurais jamais exactement ce que ça faisait, d'être envahi par les peurs dans son cerveau. Pas à son échelle, en tout cas... et je ne saurais jamais ce que ça lui avait demandé pour sortir de sa noyade. Moi, j'étais plus là à me laisser porter passivement par le courant et à me demander parfois quel jour on était, comme une sorte de léthargie de laquelle je ne sortais que lorsque mon frère venait me piquer pour me rappeler que c'était pas comme ça que c'était censé se passer. « J'y ai pensé, mais pour faire quoi d'autre ? » Bon, concrètement, avec l'argent à ma disposition et mes retours sur investissement, le 'quoi' n'avait que très peu d'importance, certes. « Un tour du monde ? » Et là, il me surpris, alors je tournais la tête vers lui, comme s'il venait de me faire part de quelque chose de tout à fait fou. Tout claquer et partir, juste comme ça ? Mes yeux s'écarquillant en deux billes rondes, j'observais alors Jesse en soupesant sa proposition, puis lançais un regard par-dessus mon épaule, vers cet appartement qui n'en n'était même plus vraiment un. « J'ai toujours eu que des intérêts irrationnels de gamin vivant sur une autre planète... tu crois vraiment que c'est une bonne idée ? » Dire que ce gamin était tellement persuadé de son truc, que même les gens autour de lui arrivaient à le croire. Ah, j'étais vraiment devenu un adulte très ennuyeux, à parler majoritairement de travail parce que c'est ce qu'on faisait quand on n'avait pas de famille et qu'on était bien intégré à la société, pourtant, c'est exactement ce genre de personne que que je ne voulais pas devenir, dans mes souvenirs. Je crois que mon moi de vingt-ans me regarderait de travers avant de vouloir me trainer dans l'une de ses histoires cheloues. En y pensant, je finis par avoir un léger rire et vidais le restant de ma bière, avant de la reposer. « En tout cas, pour le concert, je suis partant ! »

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— Nos vies à tous avaient changé. Pour certains, elles avaient continué plus ou moins normalement, comme tant d'autres dans notre entourage. La mienne s'était radicalement transformée, qunad j'étais devenu plus calme, que j'avais appris à trouver un tant soit peu de paix en moi-même... Mais la vie de James ? Je ne comprendrai sûrement jamais ce qu'il s'était passez pour lui. Comment en était-il arrivé là ? Il avait tellement de rêves, tellement d'idées qui me semblaient totalement folles, mais avait-il tout abandonné aussi rapidement ? J'avais le sentiment d'avoir zappé une partie de la vie de mon propre frère, de mon frère jumeau... C'était profondément dérangeant. « Ouais? » Je fronçai les sourcils en posant les yeux sur mon frère. « Je sais pas, mais ça sera toujours mieux que te laisser pourrir dans cet appart, non ? » Je pinçai les lèvres, les yeux rivés sur mon frère. « C'était moi, le mec dépressif qui tournait en rond dans une pièce à longueur de journée. C'est pas parce que j'ai en partie arrêté que tu dois le faire à ma place. » dis-je en riant doucement. « T'en penses quoi ? » Que pouvais-je faire, à part essayer de le convaincre ? J'aurais bien eu envie de lui secouer les puces, mais je ne pouvais pas me résoudre à me montrer violent avec James. Je m'énervais beaucoup, à l'époque, mais il restait spécial, privilégié par rapport aux autres... Ce qui expliquait également pourquoi je refusais de laisser les choses continuer comme ça. « Tu te souviens de la première fois où on est montés sur scène ? Je veux dire, notre premier concert ? »  Los Angeles, en 2020... J'avais un peu de mal à y croire. Tant de temps avait passé. J'étais si anxieux. Je me souviens de la peur que j'éprouvais à l'époque, de l'ambiance qu'il y avait... C'était effrayant, et pourtant, quand j'y repensais, je me rappelais à quel point nous avions fait du chemin, à quel point je m'étais battu contre moi-même pour en arriver là. Cette fois, c'était à James de se tirer eu pétrin.