regular (to irregular) — ((james))

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"Bon je file, je vais voir James !"

Je clame avant d'embrasser Shinhye et de filer jusqu'au parking de l'immeuble où se trouve toujours ma moto. C'est un moyen de locomotion que je n'ai jamais abandonné, malgré les années : l'on me dira que tout de même, c'est très peu responsable de ma part de continuer de me déplacer de manière aussi risquée, maintenant que je suis père...je répondrais simplement que c'est bien plus drôle que le métro, et que de toute façon, si je me suis débrouillé pour rester en vie à l'époque où je ne regardais même plus les limitations de vitesse, j'irais très bien aujourd'hui.

Il faut dire que les choses ont bien changé, depuis cette même époque où prendre des risques inutiles me faisait vibrer. J'ai compris plusieurs choses, depuis : par exemple, que ce n'était pas parce qu'Alexander était mort que j'avais besoin de l'être aussi - qu'au contraire, je pouvais très bien continuer de vivre et de faire vivre cette part de moi que j'avais toujours pensé qu'il représentait, à l'époque. Et je ne peux pas nier que Shinhye a été une grande aide à cela. Quant à elle...et bien, notre mariage, Yeseul, rien de tout ça n'était exactement prévu, mais je dois dire que j'aime les choses exactement comme elles sont, et ce, malgré la petite crise de conscience par laquelle j'ai pu passer.

S'il y a une figure dans ma vie n'ayant pas bougé, en revanche, c'est bien James, qui s'y trouve toujours avec la même constance. Est-ce que ça signifie que lui, n'a pas changé ? Eh bien, rien qu'à observer l'appartement vers lequel je roule, on peut dire que non...j'imagine que si, il y a une vingtaine d'années de cela, l'on m'avait montré une vision du James d'aujourd'hui, j'aurais eu du mal à le croire. M'enfin bon, je ne suis pas grand monde pour le juger, quoique je dois avouer que ça me peine assez - je n'aurais jamais pensé que ses bizarreries me manqueraient. Mais moi, j'apprécie toujours autant malgré tout de passer un moment à ses côtés. Débarquer un peu à l'improviste, comme je m'apprête à le faire, voilà qui m'offre une bouffé d'air lorsque les semaines s'annoncent chargées, ou que je m'ennuie de lui, tout simplement. Ai-je vraiment besoin d'un prétexte pour voir un ami ?

Une petite demi-heure plus tard, c'est donc sans trop attendre que je grimpe quatre à quatre les marches qui mènent à son appartement, emportant avec moi une dose de ce poulet frit que fait le restaurant de mon père - si je me demande quand est-ce qu'il prendra sa retraite, je n'en suis pas particulièrement pressé -, et quelques bières que j'ai été chercher avant de venir. Je frappe à la porte par simple envie de m'annoncer, puisqu'à peine quelques secondes après, je compose déjà le code de cette dernière avant de m'avancer dans l'entrée encombrée de l'appartement de James.

"Hey, James ? T'es là ? J'espère que oui, j'viens pas les mains vides."

Qu'il n'ait pas intérêt à me poser un lapin - alors oui, je l'ai à peine prévenue de mon arrivée, et puis j'étais trop occupé à conduire pour vérifier qu'il m'a bien confirmé être chez lui, mais quand même, j'en serais vexé.

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((OST)) Entre-nous, les visites improvisées de Jacob n'avaient rien de nouveau. Cela faisait plus de trente ans que je le voyais débarquer chez moi comme s'il s'agissait d'un seven eleven, par la porte d'entrée ou la fenêtre de ma chambre, au beau milieu de la nuit ou du jour. Vous vous imaginez bien qu'il avait donc été le premier à connaître les codes de l'immeuble et de l'appartement que j'occupais depuis maintenant une demi décennie, sagement perché dans mon gratte-ciel de Gangnam. Pas que ce quartier me hypait particulièrement, mais puis-ce que je passais le plus clair de mon temps au travail, je ne pouvais pas me permettre de me loger à l'autre bout de la ville. Au moins, la baraque était moderne et pratique... juste en bordel total, mais ça, je ne pouvais pas le mettre sur le dos de qui que ce soit d'autre que moi-même.

À la différence du 99% du reste de l'année, je m'étais néanmoins mis au rangement. Depuis hier, le sol de la chambre avait ainsi été vidé de tout vêtement non identifié et j'avais fais des lessives pour la première fois depuis trois ans... activité assez satisfaisante, il fallait bien l'avouer. Vous savez, quand il fallait retirer la couche de poussière du filtre du sèche linge, là ? C'était grave jouissif... et effrayant en même temps. Allez savoir avec combien d'acariens au mètre carré j'avais co-habitué jusqu'à présent. Donc ça, et maintenant, le salon. Haha... le salon. Si je comptais faire venir Jinlee ici demain soir, j'allais vraiment devoir me dépêcher... ou alors utiliser la technique de cacher tout ce qui dépassait dans une chambre que je fermerais à clé. Ouais, à tous les coups que ça finirait comme ça. Mais bon, puis-ce que Jacob venait de passer la porte d'entrée, il allait bien pouvoir m'aider un peu, non ?

« Hey Jake ! Cool ! Pose ça à la cuisine, j'arrive ! » Lançais-je à mon ami, tout en me relevant de derrière l'un des canapés avec une boite de jeu vidéo, fraîchement découverte, à la main. « Je crois que j'ai enfin retrouvé le GTA que je devais te rendre... » 

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C'est parfois à se demander si ce n'est pas une blague du destin, ou quelque chose comme ça. Lorsqu'on me regarde moi, puis qu'on regarde James, et puis qu'on nous regarde il y a vingt ans de cela...j'imagine que l'on aurait pensé voir des situations inversées. Cela dit, ce genre de questions, j'évite de trop me les poser. Je suis du genre à vouloir profiter des gens et des instants sans trop tout remettre en question, et si je dois avouer que James m'inquiète, j'aime à simplement passer un moment avec lui sans toujours chercher à questionner son quotidien. Bien sûr, je n'y suis pas indifférent, mais j'estime que toujours remuer les mauvais mots n'apportera pas grand chose, alors....eh bien, je me contente d'afficher un sourire moqueur lorsque, en revenant d'avoir posé à la cuisine ce qui avait besoin de l'être, je le vois surgir de derrière son canapé.

"Eh mais dis-moi James...je rêve ou tu fais le ménage ? Tout va bien ? Tu as pris un coup sur la tête ? Je dois appeler ton frère pour lui dire que tu te sens pas bien ?"

Dans un ricanement, je hausse finalement un sourcil à le voir me tendre un jeu que j'avais, pour être honnête, complètement oublié. Depuis combien de temps il l'a, celui-là ? Je ne sais même plus.

"Depuis combien de temps tu devais me le rendre, au juste ? Tu peux le garder, j'ai fini par le racheter."

Pour pas grand chose - je n'y touche plus tellement, au final. Manque de temps, ou d'envie...j'estime souvent avoir mieux à faire de mon temps libre, au final, quoiqu'une partie de certains jeux est toujours la bienvenue pour me détendre, lorsque je n'ai pas l'esprit occupé par autre chose, comme ma fille en demande d'attention.

"Sinon, tu vas bien toi ? Du nouveau de ton côté ?"

Toujours curieux de ce qu'il se passe pour lui, et ce, même si j'ai généralement l'impression que ses journées se résument à son travail...c'est marrant, James, je ne l'aurais pas pensé présentateur télé...et pourtant ! Quant à moi, être parti de l'autre côté du rideau me va plutôt bien.

"Je t'ai pas demandé, vous allez faire le concert là ? Des vieux groupes. On nous a invité avec les gars, je m'y attendais tellement pas, ça m'a fichu un sacré coup de vieux."

Il faut dire qu'en dehors de notre première chanson, nous n'avons jamais été un groupe à sensation.

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((OST)) Rêvait-il ? Etait-ce une illusion, était-ce l'un des clones combattus par Xgen du temps de la guerre entre Xandoria et Memphistos que j'avais désormais mis en esclavage ? Eh bien non, c'était bel et bien moi, humain, figure publique adorée de vos mamans, réduis à la basse tâche du rangement. Bon, hé, je n'allais pas en faire tout un fromage non plus, je passais l'aspirateur à la maison avant de devenir trainee... ce genre de choses ne s'oubliaient pas, c'était comme le vélo (askip). La bonne nouvelle dans tout ça, c'est que si j'avais retrouvé la force de faire des blagues et de m'imaginer des histoires, c'est qu'on devait être sur la voie...

« Et t'as pas encore vu la chambre. Tu peux même prendre une photo, si tu as besoin d'une preuve pour plus tard. » C'est Jesse qui allait être soulagé.

Je secouais la tête et remis un peu mes cheveux en place, avant de hausser les épaules à sa question suivante et de simplement poser la boite sur la première surface libre à ma portée : le meuble télé. Depuis combien de temps je lui devais son jeu ? Aucune idée, à vrai dire... heureusement qu'il ne l'attendait plus... et dans d'autres nouvelles, j'étais ravi de l'avoir chez moi aujourd'hui. Il s'était passé des choses incroyables pas plus tard qu'il y a quelques jours et il fallait que je lui en fasse part, maintenant que j'avais eu le temps de digérer l'information. Grosse... grosse information.

« J'ai des choses à te raconter, même moi j'en reviens toujours pas... et toi ? Comme d'hab, la forme ? »

Un enthousiasme retrouvé s'illumina alors sur mon visage habituellement mélancolique et c'est sans trop attendre que je partis nous trouver des bières fraîches au frigo. Depuis que Jacob avec fait la paix avec son passé, j'avais retrouvé ce garçon enthousiaste que je connaissais, à l'époque, et franchement, le voir à nouveau sourire sans qu'il y ait un voile sur son coeur avait été l'un des plus grands soulagements de ma vie. On se retrouvait bien vite impuissants, face à la détresse et à la culpabilité des autres. Je l'avais vécu très fortement, entre lui et Jesse, à l'époque... quand tout ce que je pouvais faire, c'était d'être «là » pour leur offrir une ancre, alors que leurs bateaux partaient à la dérive et que leurs pensées se mettaient à tourner en boucle. Il fallait savoir qu'on ne pouvait pas guérir les gens... ils devaient le faire eux-mêmes... mais on pouvait faire office de béquille en attendant qu'ils arrivent à marcher d'eux-mêmes, ça oui. C'était ironique de se dire que dernièrement, les rôles s'étaient échangés... je comprenais aujourd'hui plus que jamais la notion d'avoir « quelqu'un sur qui compter ». Et j'étais reconnaissant. Vraiment reconnaissant. Ils me sauvaient de la noyade de par leurs simples présences.

« Le concert ? Oui ! Vous aussi ? Meh non, on n'est pas vieux, c'est bon, roh ! À moins que quelqu'un dans ton groupe se soit laissé aller ? » Voila que je me mis à rire aussitôt. « On a commencé les entrainements l'autre jour... c'est très drôle de voir que ton cerveau se souvient des mouvements mais que ton corps, lui, se demande pourquoi tu l'embêtes. Je savais que j'aurais dû prendre des cours de zumba à la salle de gym, au lieu de rester aux machines... » Mais bon, c'était un truc de nanas... et je restais un peu macho sur certains points.

Reprenant un peu ma contenance, je décapsulais finalement ma bouteille avec mon briquet, puis la fis tourner entre mes mains quelques secondes, alors qu'un silence s'installa malgré tout dans la pièce. « Jinlee est venue me chercher à l'agence pour discuter, l'autre jour... »

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Devrai-je me trouver si choqué de voir James ranger son appartement ? Probablement pas. Mais il faut dire qu'avec le temps, je commençais presque à penser le bazar enraciné dans son parquet...alors oui, je suis ma foi surpris. Moqueur plus que tout, mais je peux bien me le permettre, depuis le temps qu'on se connaît - je ne sais plus combien exactement, je ne veux pas compter, le coup de vieux me guette déjà à l'angle.

"Non c'est bon, pas la peine, c'est juste...surprenant ? En fait, je me demande d'où te vient cette soudaine motivation, parce que c'est le dernier truc que je pensais te trouver faire."

Ricanant, je pense cela dit que c'est une bonne chose...pas vrai ? Dit comme ça, ce n'est pas grand chose. Mais je ne peux pas ignorer que mon ami va visiblement mal, et cette soudaine volonté naît peut-être d'une cause réjouissante - enfin, qu'en sais-je. Je n'ai jamais été du genre à surinterpréter, seulement, James pique ma curiosité.

"Ah oui ? Bonnes nouvelles, j'espère ? Dis-moi tout, tu m'rends fort curieux, là."

Et des bonnes nouvelles, ma foi, j'estime qu'il en mérite.

"Pour ma part, écoute...un peu tanné parce qu'aujourd'hui, on m'a fait écouter trois fois de suite le dernier album de 5AM," merci Yeseul et sa nouvelle passion pour leur chanteur principal, vraiment, "mais sinon, la forme ! Comme d'hab, ouais."

Comme d'habitude, oui - ah ça, on ne peut pas dire que les choses vont mal pour moi. Parce que je suis plutôt heureux de mon existence actuelle, oui. Et que je n'ai aucune raison de ne pas l'être et de me plaindre - et c'est un constat très satisfaisant, quand on sait que les choses n'ont pas toujours été comme ça, pour moi. Le garçon profondément affecté, mélancolique, que j'étais il y a une vingtaine d'années, je ne me reconnais plus dedans...et si je peux me féliciter d'évolution de ma propre vie, il me peine de constater que ce même air triste que j'arborais constamment et malgré moi, lorsque j'avais vingt ans, semblait s'être perdu sur le visage de James, quelque part au fil des années. Aller jusqu'au mur sans s'en rendre compte, je l'ai trop vécu dans ma jeunesse pour ne pas m'en rendre compte lorsque ça concerne mon meilleur ami - ce qui ne veut pas dire que je sais comment l'aider à résoudre quoi que ce soit, malheureusement.

"Ouais, nous aussi ! J'aurais pas cru, on était pas franchement les types les plus populaires du moment..." En dehors de cette première chanson, ma foi. Ça ne m'a jamais dérangé. "Et franchement, ça va. N'empêche que franchement, me dire qu'on est invité à un concert de," je trace des guillemets avec mes doigts, "stars des années 20...ça fiche un coup de vieux. Les années 20, c'est quoi, ce que les années 80 étaient pour nous ? Je comprends mieux mon père, d'un coup..."

Et je regretterai presque de m'être moqué toute mon enfance de ses goûts musicaux "ringards". Si j'avais su ! Ce qui ne m'empêche pas de rire d'un air tout aussi moqueur face à la remarque de James, savourant en même temps qu'une gorgée de bière mon statut d'ancien membre de band.

"Haha ! J'ai pas ce problème là, mais je te souhaite bien du courage...faudrait que je demande à ma sœur si elle y va, tiens, j'ai bien envie de la voir tenter de refaire leur chorée-du-déboîtement-d'épaule, là." C'était quelle chanson, ça, déjà ? So What, peut-être - ça importe peu.

Le fil de mes préoccupations est en effet rapidement recentré sur la prochaine annonce de James - Jinlee, voilà un nom que je n'ai pas entendu depuis un moment, et qui me fait hausser un sourcil assez rapidement. J'imagine que c'était de ça, qu'il voulait me parler...une fois de plus, j'espère fortement que la nouvelle est bonne.

"Jinlee ? Pour te parler de quoi, au juste ?"

Selon moi, les exs qui resurgissent du passé, ça annonce rarement quelque chose de bon.