✤✦ (( ✦ notebook ✦ )) ✦✤

✤✦ 12 janvier 2022 ✦✤

Janvier est venu nous saluer enfin,
Le ciel est toujours paré d'étoiles et de lueurs inconnues,
Et assis sous la voûte qui parfois nous écrase,
Nous demeurons patients, admiratifs, sereins.

✦  Son regard s'était levé pour un instant, alors qu'il observait la plaque qu'il avait faite préparer, qui représentait la constellation du Capricorne, celle de sa naissance, celle de sa jeunesse, celle de sa vie entière. Comme beaucoup, il se demandait parfois si cela avait la moindre influence sur sa réalité, sur sa vie, sur ses affaires. Mais cela n'était pas aussi important qu'on aurait pu le croire, pour lui : le monde possédait les réponses, même celles qui lui échappaient. ✦ 

Aventuriers perdus d'une quête impossible,
On explore des mondes au mystères indicibles,
À la recherche d'une chose dont ignore le nom,
Et dont on ne remet l'existence en question.

✦ La poésie lui permettait de mettre par écrit ses pensées et ses peurs. Il en avait, comme tout le monde. Des morceaux de poèmes absorbaient ces angoisses, ce sentiment constant d'être bien trop petit, bien trop insignifiant pour un monde qui ne connaissait que des limites physiques. L'univers était si vaste, si intimidant. Et lui, il n'était qu'un homme dont le bateau errait paisiblement sur la toile de cet univers aux limites inconnues, mais dont il aurait souhaité tout découvrir. ✦ 

Trésor convoité par de fervents chercheurs,
Piécettes adorées des plus grands amateurs,
Éperdus, enivrés par le rêve illusoire,
D'une vie différente qu'ils voudraient tous avoir.

Mais ce n'est qu'un mirage,
Ce n'est rien qu'un rêve,
Ce n'est qu'un combat qui ne connait de trêve,
Un paysage idyllique où survient l'orage.

✦ Il avait continué à écrire, vidant son esprit de ces quelques pensées qui peut-être n'avaient aucun sens. Des pensées qui souvent lui permettaient de faire du tri. Il avait lui aussi ses problèmes. Il avait lui aussi des choses qu'il aurait voulu oublier. Le fait d'avoir grandi dans un orphelinat, sans famille, avec quelques personnes pour le surveiller ou devenir son ami. Alors il relativisait, essayait de voir les choses sous un autre angle. Comme toujours. ✦

Après la tempête s'en iront les nuages.

Lucas était bien trop jeune, quand il était arrivé à l'orphelinat. Il ne se rappelait rien, à part peut-être l'odeur de l'orphelinat. Le bruit des autres orphelins qui s'agitaient dans tous les sens alors qu'il essayait de lire dans son coin, perdu dans ses pensées, comme il l'était aujourd'hui, alors qu'il consultait pour la énième fois sont atlas astronomique, redécouvrant avec délice les nébuleuses et les comètes qui décoraient ses pages.

Il avait toujours été seul, en fin de compte.

Seul dans un univers tellement grand qu'une vie humaine n'était rien de plus qu'un grain de sable. Seul, et trop conscient de la nature éphémère de la vie, de son expérience. Peut-être qu'il y avait quelque chose après la mort. Peut-être que ses parents l'attendaient, quelque part, et que leurs chemins se recroiseraient, une fois qu'il aurait terminé son temps sur Terre ? Étaient-ils seulement morts ?

Même s'il essayait souvent de prétendre que cela ne l'affectait pas, c'était entièrement faux : tout au fond de lui, il se demandait quel genre de personnes ses parents étaient. À quoi ressemblaient-ils ? Quand il regardait Monsieur Jang et sa femme, il réalisait à quel point la biologie jouait beaucoup.

Il ne leur ressemblait en rien.
Si on lui enlevait son argent et sa réputation, il n'était personne.
Et il le savait.

C'est pour cela qu'en dépit des avantages dont il profitait, il ne pouvait se résoudre à traiter les autres comme de la vermine. Ils étaient tous humains, eux aussi. Ils avaient tous envie de connaître des jours meilleurs, et s'il pouvait les aider, alors sans hésiter, Lucas le faisait.

Parce que tout le monde méritait un peu de dignité.

Il n'avait pas besoin d'une étiquette énorme qui mentionnait son nom lorsqu'il faisait un don ou lorsqu'il participait à une activité particulière. Tout cela, il s'en foutait. Ce qu'il voulait, c'était aider des gens qui, comme lui, avaient été dans une situation précaire et qui avaient pu trouver de l'aide quand ils en avaient besoin.

Et si c'était tout ce qu'il accomplissait, eh bien, ça lui convenait.

Over the moon

C'était une chose étrange que l'amour. Les sentiments. Les émotions. Des choses qu'on ne contrôlait pas et qu'on peinait parfois à mettre dans l'ordre comme on l'aurait souhaité. Parce que les sentiments n'étaient pas des choses faciles à mettre au clair et qu'il fallait parfois du temps et beaucoup de courage pour savoir exactement où l'on se situait dans l'ordre des choses. On refusait l'évidence et les choses qui nous peinaient, les choses qui nous pesaient sur le coeur et qu'on ne parvenait pas à exprimer, pour une raison ou pour une autre... Tant de problèmes et de situations qui auraient pu se résoudre si facilement, si l'on avait osé s'exprimer, parler...

Les yeux rivés sur le papier qu'il avait entre les mains, Lucas considérait les mots qu'il y avait inscrits. Des mots qu'il avait sur le coeur depuis bien longtemps mais qu'il n'avait jamais réussi à exprimer, qu'il ne pouvait pas garder éternellement pour lui, car à force de mûrir, ils étaient devenus douloureux et l'empoisonnaient peu à peu. La solitude ne trouvait de meilleur allié que le silence des sentiments.

Peut-être qu'il ne la lirait pas, cette lettre. C'était peut-être mieux. Mais l'envoyer... C'était mieux, oui. Mieux pour pouvoir passer à autre chose, au besoin. Mieux pour se sentir plus en paix avec lui-même, maintenant que les mots étaient sortis, même si ce n'était que par le biais du papier.

Et comme toujours, la Terre continuerait de tourner, comme elle le faisait toujours.

Over the moon