seon baek hyeon

“Tu penses qu’elle va bien ?” qu’elle finit par lancer, alors que ses pinces terminent le round complètement vide. Il lâche la machine quelques secondes, le temps de se retourner vers sa soeur. “Je sais pas. T’as pas de nouvelles ?” Elle répond négativement d’un mouvement de tête. “Prendre de ses nouvelles veut quasiment obligatoirement prendre des nouvelles des darons, et ça je… je peux pas.” Il comprend. Il pense la même chose. Et n’a toujours pas pris de nouvelles de sa soeur depuis plusieurs mois pour exactement cette raison. “Tu penses que Thorn…” Son visage se ferme et elle lui coupe la parole. “Me parle pas d’lui. Tu penses que j’te fais la gueule ? Bah dis toi que lui, c’est pire.” Alors il se tait, Ram, se retourne, et remet un jeton dans la machine. En vérité, il a plus vraiment envie de jouer. Mais parce qu’il se sent pas non plus de continuer la conversation de lui-même, il joue.

Le rire est nerveux lorsqu’il gagne encore des bonbons. Il les donne à Yihwa qui lève les yeux au ciel. “Je comprends juste pas… Vous êtes pas tristes ? J’ai l’impression que vous vous en foutez. C’est insoutenable à voir.” Mais il répond pas, Ram, et prépare son prochain jeton. Il sait pas, plus, comment lui expliquer. Ils ont eu cette discussion déjà, des dizaines et des dizaines de fois. Certes, dans un contexte plus clos, et avec des voix plus élevées, et des cris plutôt que des expressions blessées comme elles le sont là. “Entre toi et Kinam, Thorn et ses trucs… J’ai l’impression qu’il y a que moi que ça touche. Et Nuna, mais plus par manque de choix qu’autre chose.” Les manettes en main, il navigue sans essayer de rien prendre. Il entend ce qu’elle dit, écoute, essaye de comprendre, de trouver comment la rassurer, mais n’a pas les mots. N’a pas l’explication qu’elle attend. Il faut juste continuer à vivre.
Mais ça, elle veut, peut, pas l’entendre.

“Est-ce que tu veux qu’on aille lui déposer des bonbons sur sa tombe, quand j’aurais fini ?” Parce que c’est la seule idée qu’il trouve. Parce qu’il peut pas lui répondre. Il sait pas quoi répondre à ses questions, mais il sait qu’il n’a pas oublié son frère, qu’il pense toujours à lui. Qu’il n’a pas oublié. Qu’il essaye juste de continuer à vivre. Il se retourne vers sa soeur et voit la surprise sur son visage. Elle n’essaye même pas de la cacher. Surprise et méfiance. Comme si elle pensait à peine croyable qu’il lui propose ça. “Ah parce que tout d’un coup, tu te souviens que ton frère a une tombe ? Et puis, t’as des bonbons en plus, alors pourquoi pas aller les lui déposer, hein ?” Son ton est de nouveau agressif. Et ça faisait un moment. Ça lui manquai pas. Ram se retourne vers la machine plutôt que de répondre. Il ne sait pas quoi dire. Il insère un jeton, le huitième. Avant de s’y mettre, il lance un “Si t’as pas envie, suffit de le dire, calmement. Pas besoin de m’faire une crise.” Et il sait que c’est fucked up.
Mais il en a marre.
Lui aussi, Korn lui manque.
Yihwa a pas le monopole de la douleur.

Avant dernier jeton, et il a l’impression qu’il est beaucoup plus tendu maintenant qu’il ne l’était au début. Foire, fête forraine, endroit supposé être là pour se détendre, s’amuser, jouer. Passer un bon moment ensemble. C’est un calvaire. L’ambiance est glacée entre les jumeaux, et Ram est quasiment sûr que Yihwa se retient de pleurer. Il en est quasi sûr parce que lui aussi, il se retient de pleurer. Truc de jumeaux. Il insère l’arrière dernière pièce dans la machine, et se retourne vers sa soeur avant de se mettre à jouer. “Désolée, j’ai été dur. Mais juste… Yihwa… Essaye de garder ton sang froid s’il te plaît. Au moins en public .T’es connue, je suis connu. Rien que pour nos carrières, essaye de…” Mais il a pas le temps de finir que Yihwa répond. En gardant surtout pas son sang froid. La voix élevée, assez pour que plusieurs personnes autour du duo se retournent vers eux. “NOS CARRIÈRES ? NOS CARRIÈRES ? Et Korn hein ? Et lui, sa carrière, t’y penses ? POURQUOI T’ES ÉGOÏSTE COMME ÇA ?” Ram baisse les yeux, et secoue la tête avant de se retourner vers la machine. Elle comprend pas, Yihwa. Parfois, il a cette impression étrange qu’elle a arrêté de grandir quand Korn est mort. Et qu’elle a pas passé le stade de l’adolescence. Une adulte responsable réagirait pas comme ça.

Lorsqu’un autre ours en peluche tombe, il le prend dans la main et le tend à sa soeur. “Tu l’veux ?” Il ignore pas ce qu’elle lui dit. Mais il sait pas quoi répondre. Il est pas égoïste. D’eux deux, c’est elle qui l’est. Elle qui, au prétexte qu’elle n’arrive pas à passer à autre chose, à continuer sa vie, essaye d’empêcher les autres de la continuer. “En fait, t’en as vraiment rien à carrer de ce que je te dis, hein ?” qu’elle lance, venin dans la voix, et haine sur son visage. Pas de colère, mais de la déception, presque du dégoût. “Continue à faire mumuse et à gagner des cadeaux pour ton Kinam, moi j’vais appeler les parents. Parce que moi, j’fais pas passer ma vie amoureuse avant ma famille.” Et c’est trop pour lui. C’est trop injuste, c’est trop fauxcul. C’est trop. “T’es ridicule, Yihwa. Arrête de jouer la petite fille parfaite. Arrête de culpabiliser ceux qui ont une autre façon que toi de faire le deuil. Tu viens de me dire que t’avais pas envie de prendre de nouvelles de notre soeur parce que tu voulais parler aux parents, et t’essayes de me culpabiliser en me disant que je prends pas assez soin de ma famille. Je suis peut-être égoïste, mais toi t’es hypocrite. Et ma vie ‘amoureuse’ au cas où je devrais te le rappeler, n’en est PAS une. Je t’ai parlé de lui en confidance et que tu t’en serves contre moi, c’est dégeulasse. Et tu le sais. Alors si tu veux te casser, casse toi. Moi j’ai un dernier jeton à jouer.” Il se retourne vers la machine et essaye de se concentrer. Mais il tremble. Il déteste ça, se disputer avec elle.