na seulbi ✬ all of me

moodboard ✩☽ La vidéo débute sur un fond rose dans lequel une pokeball rose poudrée saute comme mue d’une vie propre, avant d’arriver au centre et s’ouvrir dans un scintillement, laissant s’échapper une Peach qui tournoie dans sa plus belle robe. La musique du jeu Super Mario en fond, le bruit bien connu lorsqu’on touche une pièce à chaque rebond de la balle, elle se solde par un game over (tutulutututu) lorsque l’on zoom sur le minois de Peach prise dans un cercle, vous offrant un clin d'œil.

L’écran se noircit dans un flash comme une vieille télé qui s’éteint, et une vidéo classique d’introduction de Seulbi démarre, filmée il y a quelques mois sur sa chaîne twitch. « Coucou mes Cartoons, je vous ai manqué ? » Sobriquet donné à ses fans depuis ses débuts sur la toile, un clin d'œil similaire à sa Peach lancé face caméra. Son casque rose aux oreilles de chat rapetissi son visage et à la fois arrondit ses petites joues, lui donnant un air friendly et avenant. « Je suis sûre que oui ! Alors je vous ai préparé plein de choses, et aujourd’hui, on va vivre de nouvelles aventures ! » Le jeu Mario Kart se lançant sur l’écran, sa tête en bas à droite désormais alors que les commentaires des viewers se déchaînent, et Peach filant à toute allure dans sa voiture de princesse.

Une attaque éclair de la pieuvre tâche l’écran et fait effet de nouvelle transition, une vidéo d’elle petite, prise par sa mère à noël alors qu’elle ouvre ses cadeaux et y trouve une boîte à musique avec une ballerine à l’intérieur se lançant. « Elle te plait, ma seulbi ? » demande la voix maternelle. « Oh oui ! » répond l’enfant. « Et un jour, je serais comme elle ! La plus grande danseuse de tout l’univers ! » Ses prunelles brillant tels des diamants alors que sa voix zozote légèrement, offrant à la caméra la douceur d’un sourire étoile.

Le vidéo se pause pour donner l’effet d’une photo et alors qu’on dézoome, il prend la forme d’un polaroïd qui rejoint plein d’autres et s’agencent ensemble, défilant avec diverses légendes, commentaires tirés du web et découpages mignons, certaines photos se mettant à bouger. Comme un journal intime retraçant sa vie, on peut la voir évoluer dans sa salle de danse puis plus tard sur scène, dans son Odette. Divers clichés de ses succès mais aussi de ses amis dans des restos branchés et par la suite de son contenu instagram qu’elle expose avec fierté. On peut y voir des essayages en se déhanchant bêtement sur Pop! de Candy avec des bigoudis sur la tête ou encore une présentation de son lapin nain Toad, en honneur au jeu, en passant par des zooms d’elle qui grimace en gros plan dans un tuto makeup en se recourbant les cils. Tant d’instants partagés avec ses internautes ou des passionnés de ballet, et plus largement de musique qu’elle ne pourrait les compter.

Le dernier polaroïd s'agrandit jusqu’à prendre la totalité de l’écran et une souris vient appuyer sur le bouton pause, relançant la vidéo. On peut la voir dans le salon de son appartement, celui où elle a filmé la plupart de ses vidéos, assise dans un fauteuil fort étrange en forme de bouche, un V victorieux agité devant son minois. « Alors, qu’en pensez-vous ? Ma vie est trépidante, pas vrai ? Pourtant elle ne fait que commencer ! Et je compte bien écrire le prochain chapitre avec vous ! Ça vous dit ? » Quelques aegyos et cœurs lancés à la volée avant de reprendre. « Si je participe à Stardom aujourd’hui, c’est pour relever le défi lancé par mes Cartoons ! Ils mourraient d’envie de me voir danser de nouveau, et je crois qu’ils sont les ailes qu’il me manquait. Alors j’espère que vous serez mes plumes et que je pourrais être emportée loin pour vous rendre fier ! Je compte sur votre soutien ! » Se redressant finalement pour dévoiler ses pieds, munis de chaussons de danse, et effectuer un rond de jambe puis un tour sans monter sur la pointe avant de saluer. Elle qui n’en avait pas fait autant depuis deux ans s’était dépassée, s’écroulant une fois la vidéo terminée tandis que le fond rose réapparaît avec l’étoile de Mario tournoyant. Une introduction éditée, comme tout son contenu jusqu’alors par ses soins !

all of me ✩☽ Le temps semble s’étirer de manière interminable, l’impression fugace d’être la dernière à passer et tout autant, incapable de prédire combien de minutes se sont réellement écoulées. Elle ne saurait même dire si l’attente fut vraiment longue, ou si être enfermée dans son esprit a prolongé l’instant dans le simple but de la faire souffrir. Sans doute un peu des deux, noyée dans un tourbillon flou aux pensées sombres.

C’était la première fois en deux ans qu’elle allait fouler la scène de nouveau. Se produire devant des gens. Montrer ses talents. Elle savait faire, le trac relégué au second plan à peine la musique commençait, et pourtant… aujourd’hui, tout était différent. Ce n’était pas le même parquet ciré. Pas ses chaussons de danse non plus, et sans doute valait-il mieux. La belle n’avait pu se résoudre à s’y remettre. À laisser son corps prendre le relais et être porté par les notes, paniquant dès qu’elle se mettait à glisser sur le sol et entamait quelques mouvements par automatisme au son de n’importe quel classique. Elle n’avait su dépasser son traumatisme, et alors qu’elle venait ici pour montrer sa danse, elle se voyait incapable d’en effectuer le moindre pas. La prochaine fois, qu’elle s’était dit. Comme un mantra. Mais cette prochaine fois, ce ne serait clairement pas maintenant, rejoignant la scène à petits pas et tâtonnant pour trouver son fauteuil, l’esprit blanc. Le noir l’engloutie, aussi réconfortant qu’oppressant. Assaillie par des souvenirs gondolés et jaunis remontant en cascade. Elle se sent submergée par son passé, et à la fois… libérée d’un poids, les battements d’un cœur traître résonnant jusque dans ses tympans et l’assourdissant plus sûrement que le silence suffocant.

Les premières notes jouées et les néons l’éclairant subitement ont l’effet d’un électrochoc. Le corps reprenant le pas sur l’esprit et exacerbant tous ses sens, la forçant à se mouvoir et se mettre à chanter, comme elle l’avait si longtemps répété. Ses prunelles dardées sur le public, son esprit se trouve pourtant à des lieues d’ici, reconstituant les morceaux d’un cœur crevé alors qu’elle est happée par lui. What would I do without your smart mouth ? Drawing me in, and you kicking me out… N’entendant là pas son timbre mais bien le sien, grossier à l’accent pourtant travaillé, chanteur pro de salle de bain. Les notes continuant et les paroles défilant alors que sous ses yeux aveugles à la réalité qui se jouait, elle le voyait faire son show, se mettant à genoux devant elle et poussant à l’extrême sur ses cordes vocales. Une chanson qu’il lui avait dédiée un million de fois. Qui les représentait selon lui, et les unissait à travers les mots. Organe vital contracté et gorge serrée tentant au mieux de faire taire ses émotions alors que ses prunelles s’humidifiaient et brillaient sous l’éclairage. ‘Cause all of me, loves all of you… Un sourire naissant, de cette simple confession, sentiments toujours dédiés à cet être parti trop tôt qui l'emplit de sa chaleur et la couvre de tendresse pour la première fois depuis deux ans, comme si sur cette scène, en ce jour, il l’étreignait. Fantôme tangible sous ses doigts qui viennent accrocher sa poitrine, royaume dans lequel il vivait encore et qui bat avec ferveur. Se redressant pour venir marcher au devant du public et échanger du regard avec les juges, quand bien même leurs visages ne représentent qu’un seul et même être. Faisant de la scène la sienne. De cette chanson leur lettre d’amour à travers les âges et le temps.

Elle ne sait si elle chante aussi juste qu’elle le devrait, n’ayant débuté le coaching qu’il y a quelques mois seulement. Mais elle s’en moque. On lui a toujours dit que le timbre de sa voix était magnifique et que beaucoup se damneraient pour l’avoir, alors elle venait courageusement avec ce diamant presque brut, insensible aux commentaires que l’on pourrait lui offrir. Parce qu’elle ne chantait pas pour eux. Elle chantait pour lui, et il était le seul à compter présentement. I’ll give my all to you. You’re my end and my beginning. Even when I lose, I’m winning… Les gestuelles naturelles et pas le moins du monde travaillées, retranscrivant purement et simplement le message qu’entrelace ses mots alors que son sourire s’intensifie, avide de partager cette déclaration et mettre à nu ce cœur qui n’avait jamais changé de couleur. Finissant par se rasseoir doucement pour le dernier refrain, une larme perlant sur sa joue aux dernières notes. Et quand le noir l’engloutie de nouveau, elle se sent bien.