the disadvantages of being dead (hyunbi ♥) ((+18))

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Elle ne savait, en vérité, pourquoi elle était venue. Quelle avait été son intention. Pourquoi elle avait remplacé le masseur sur un coup de tête. Sans même y réfléchir. Certes, elle voulait se venger. Et oui, elle était passablement énervée. Mais aurait-ce même suffit ? Et depuis quand prenait-elle ce genre de conneries à cœur ? Elle ne savait. Elle ne se comprenait pas plus, le corps ayant réagi avant l’esprit jusqu’à ce qu’il soit trop tard. S’était-elle servie de cette excuse pour lui reparler ? Voulait-elle le blesser ? Avait-elle envie de le posséder ? Elle n’en savait trop rien, peu habituée à crouler sous les questions. A éprouver quelconque sentiment pour quelqu’un qui soit supérieur à de l’ennui ou de l’agacement, s’il ne s’agissait pas d’une compétition. Elle avait vraiment cru que la page sur Hyunwoo s’était tournée. Qu’aucun regret ne résidait en son cœur et qu’il n’y avait là que l’envie de le soumettre et le faire souffrir d’avoir osé abandonner pareille reine. Parce qu’elle était ainsi, méchante et rancunière, à rendre au centuple ce qu’on lui donnait et incapable de se laisser marcher ne serait-ce que sur l’orteil. Alors pourquoi ? Pourquoi tout tournait comme ça ? Abandonnant son traquenard. Oubliant ses caresses. Se perdant contre ses lèvres et espérant y rester une petite éternité… Ca non plus, elle ne comprenait pas. Ce n’était pas elle. Ça ne pouvait pas l’être. Elle s’y refusait catégoriquement. Et pourtant, elle était là. A le désirer plus ardemment qu’aucun autre. A s’obliger à prendre son temps. A sentir son myocarde s’affoler et cogner douloureusement. Tant de sensations étrangères qui lui donnaient la nausée et la faisaient trembler de l’intérieur. Pas certaine d’où tout ça la mènerait. Pas certaine de vouloir y songer non plus, reportant la faute sur son foutu tatouage. Espérant peut être que la colère la canaliserait assez pour ne pas oublier… Ne pas oublier quoi ? Qu’elle devait être forte ? Même si elle n’était pas sûre de ce que cela signifiait. Elle s’y accrochait comme à une bouée.

Mais ça aussi, il la lui arracha, rejetant sa main qui l’effleurait à peine d’un coup sec et lui répondant avec une froideur qui ne le caractérisait guère. Qu’elle ne lui connaissait pas. Trop habituée au fantôme de ce sourire idiot. A ce regard amouraché. A ses attentions toutes tournées vers elle… Elle avait toujours été celle qui s’énervait et rejetait. Celle qui possédait le mauvais rôle, se retrouvant bien bête tandis qu’il la poussait pour descendre et se couvrir de nouveau, s’éloignant d’elle comme si elle portait en son sein la peste et le choléra de concert. Et encore une fois, elle se retrouvait totalement paumée, incapable de briser le silence. Incapable de comprendre l’essence du trouble qui la gagnait et la remuait dans tous les sens, son regard devenant insoutenable. Son rire insupportable. Elle se sentait étouffer et alors qu’elle pensait trouver en ses paroles un quelque chose de salvateur, elle n’en fut que plus retournée, ses prunelles se baissant de nouveau sur la plume qui s’étalait sur sa hanche. Comment ça, elle venait d’elle ? Elle ne lui avait jamais dit aimer les tatouages. Elle ne lui avait jamais demandé de s’en faire un, elle s’en souviendrait ! En quoi est-ce qu’elle… Une plume. C’était une plume. Il avait gravé une plume après l’avoir laissée. Alors quoi ? L’abandonner, était-ce regagner ses ailes ? S’était-il senti mieux ? Libéré ? Heureux de la jeter pour avancer seul ?! Imperceptiblement, ses doigts se referment contre ses paumes, meurtrissant la chair et se trouvant même insensible à ce mal, pourtant douillette. Tentant de renvoyer la nausée qui l’assaillait. D’oublier ses yeux qui la brûlaient. Si vain. A quoi bon être aveugle si on ne pouvait être sourde ?

Forcée de l’écouter sans bouger. De le laisser lui planter encore ses couteaux et d’en retourner le manche dans la plaie ouverte. Et c’était elle qui lui faisait ça ? C’était encore elle la méchante ? Sans une explication, de sa part comme de la sienne. Privée même de répondre, se refusant visiblement à l’écouter. Mais avait-elle seulement envie de parler ? Non. Elle n’en avait pas la moindre envie. A quoi bon ? Elle était le démon. Elle le balançait au quatrième sous-sol pour une raison obscure, le forçait à certaines choses qu’il ne pouvait visiblement arrêter de lui-même et… Ah. Ahah. Et il lui disait bien gentiment de dégager de là. Merveilleux. Le goût de bile coincé au fond de la gorge, les entrailles retournées et nouées comme jamais, sa peau fourmille d’une électricité qui lui semble irréelle. Elle en était malade. A cause de lui. Passant une main dans sa chevelure trempée alors qu’elle tentait d’inspirer et redonner un peu de légèreté à son cœur devenu aussi lourd et dur qu’une pierre. Inutile. Et tandis qu’elle se sent lentement dérailler, c’est le souvenir de sa mère qui s’impose à elle, cadavre ambulant. Sentant la folie courir dans ses veines et se mêler à l’énervement. Rejetant tout sur son passage en une tornade de fureur qui la prend. « Je vois que tu es toujours aussi lâche. Je le pensais tout à l’heure mais on atteint désormais des sommets. » Sa voix claque et fend l’air aussi sûrement qu’un fouet, ses lippes s’étirant en l’horreur d’un sourire mauvais. Elle était responsable, non ? Elle était le monstre. Très bien. « Pourquoi je te fais ça ? Parce que je suis une connasse, non ? Une petite princesse imbue de sa personne qui s’ennuie et n’a rien de mieux à foutre de sa vie. Qui aime à torturer les autres, les faire se sentir comme des merdes et les voir pleurer tandis qu’elle les prend. Satisfait ? Ou je dois peut-être encore plus noircir le trait ? Dis moi, hein, je serais ravie de t’être utile une dernière fois. » Le rire qui part, bref et dissonant. Levant les yeux au ciel pour en contenir l’humidité avant de le fusiller de nouveau, le transperçant avec tout ce qu’elle avait. « Non parce que c’est vrai, c’est pas toi qui t’es cassé sans un mot, au fond. Pas toi non plus qui m’a cherché tout à l’heure. Qui m’a balancé que mon corps lui manquait et m’a supplié de rester pour me demander de dégager la minute d’après. C’est moi qui suis folle, encore. Moi qui exagère, toujours. Moi qui suis la putain de méchante qui se soulage en te pétant une crise pour rien !!!! » Cette impression de déjà vu. Cette sensation familière d’inconfort aujourd’hui décuplée à l’extrême. Lacérant la chair, faisant imploser son cœur. Lui donnant l’impression de crever de l’intérieur. Laissant s’insinuer toujours plus la peur. Le détestant plus encore et enclenchant cette boucle infernale qui autrefois avait contrôlé chacun de ses faits et gestes. Peut être était-ce vrai. Peut être ne savait-elle que le repousser. Peut être était-ce elle le problème. Qu’importait ? Plus rien n’avait d’importance, la voix se brisant pour devenir murmure grave après l’éclat précédant. « Ne t’en fais pas, je te laisse. Définitivement. Je ne te toucherai plus. Je ne te parlerai plus. Je ne te regarderai plus. Je te délivre de moi et tout ce qui va avec. Même si, pardon, tu n’en avais pas besoin, tu as tes petites ailes, hein. » Nouveau rire, à glacer le sang, pointant vers ce dessin qui désormais la répugnait. S’autorisant à le regarder pour la dernière fois et le figer dans son esprit, lui et cette bombe d’émotions qu’elle abandonnait aujourd’hui. Pour de bon. Parvenant à lui sourire alors que la haine maquillait ses traits, seule armure qui lui restait alors que la perle de sel ne menaçait que trop de tomber. « J’espère que t’es content. » Il avait gagné. Et elle la lui laissait, sa victoire. Elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui, son corps se remettant soudainement en marche pour atteindre la porte et disparaître de sa vie. Ne sachant pas vraiment à quoi ou qui elle disait adieu. Sans doute à sa seule part d’humanité. Ou à sa faculté d'aimer.

Son corps se recule instinctivement en direction du mur. Lorsque la surface froide vient trouver son dos, il n’ose pas rouvrir les paupières. Il ne s’attend à rien. Non. Mensonge. Il s’attend à ce qu’elle vienne vers lui à nouveau. Qu’elle tente de gagner la partie qu’importe les moyens utilisés. Qu’elle l’accule et lui fasse perdre la raison. Tout entier enchaîné dans l’image qu’il s’était fait d’elle à l’époque, et celle qu’il a entretenu avec ses pensées durant les trois dernières années. Il imagine aussi qu’elle pourra partir comme ça. Sans rien lui dire, sans même ressentir quoi que ce soit de la situation avortée. Il sait qu’il a tant d’hommes qui pourraient lui faire passer un moment bien plus agréable que lui. Elle l’a elle même dit, en mentionnant Minsoo. Au final même lorsqu’il semble lui avoir compris un petit quelque chose à son sujet, elle détruit d’un coup toutes ses assomptions et le surprend à nouveau. Est-ce même possible ? De comprendre aussi peu quelqu’un. Mais en a-t-il envie ? De savoir ce qui se passe dans son cœur, dans sa tête. Probablement que non. Une peur serrant ses entrailles de savoir ce qu’il y découvrirait. Apeuré que cela soit encore pire que ce qu’il imagine et qu’à voir le peu de place qu’il y occuperait, son cœur se briserait définitivement. Voué à rester derrière ces barrières douloureuses pour ne pas courir le risque de sombrer un peu plus bas.

Lorsque la voix de Dambi retentit à nouveau, Hyunwoo garde les paupières fermées. Son visage se contracte un peu. Ainsi elle a choisi la troisième option. Elle peut l’attaquer avec ses mots. Malgré l’anxiété qui vient le serrer à s’imaginer blessé de ce qu’elle pourrait lui dire, beaucoup plus faible que ce qu’il pourrait montrer à n’importe qui, il tente d’agir comme s’il pouvait le supporter. Il ne comprend tout de même pas pourquoi elle semble aussi hors d’elle. Est-ce parce qu’il lui a dit non ? Il s’arrête avant de trop s’égarer, incapable de se donner l’autorisation à se perdre dans des eaux si troubles. S’il y réfléchit trop, il finira par y voir là une expression de son affection, comme il l’avait fait tant de fois. Il ne peut pas être déçu une nouvelle fois.

Il rouvre les yeux au milieu de sa tirade. Rencontrant son regard malgré la dissonance de leurs états. Son regard s’adoucit plus les secondes passent. Peut-être est-ce de la voir dans cette émotion extrême. Son cœur qui s’ajuste automatiquement au sien pour rendre la situation plus équilibrée. Quoi qu’elle pense de lui, il n’avait pas souhaité la blesser. Il ne comprend pas pourquoi elle se qualifie de folle ou de méchante. Il n’est que trop conscient que c’est lui qui ne fait que changer d’avis et que tout ça serait vite arrêté s’il n’avait pas tangué et faibli depuis le début. La peine prend peu à peu la lueur au fond de ses yeux, cette fois dirigée en sa direction. La chaleur qui grandit au fond de sa poitrine, cette envie irrésistible de la rassurer et de lui dire que tout va bien. Il déteste la voir dans cet état. Il sait qu’elle doit avoir mal.

Lorsqu’elle se retourne pour s’en aller, son corps à lui se meut aussi instinctivement. Le fait que ses jambes soient si petites l’aide au moins à réduire la distance avant qu’elle ne s’enfuie totalement. La contournant et venant poser son dos contre la porte avant qu’elle n’y parvienne, plongeant son regard dans le sien, les mains cachées derrière son dos. Il ne sait pas là ce qu’il veut dire. Il ne veut rien dire. Mais l’idée de la laisser partir dans cet état lui est douloureuse. Il n’en a rien à faire si elle ne veut plus lui parler ou lui donner de l’attention. Peut-être, se dit-il, que ce serait vraiment mieux pour eux deux, s’ils sont aussi incapables de se parler sans se faire du mal. Mais il ne peut pas non plus la laisser s’échapper de cette façon, même s’il est la cause de sa réaction. « Tu n’es pas folle. » souffle-t-il finalement, serrant les doigts nerveusement dans son dos pour se donner du courage. Bien sûr que la situation est difficile pour lui. Tout en son corps lui crie d’arrêter et de juste partir, maintenant que la solution lui a été offerte sur un plateau. Il se sent idiot à nouveau. Peut-être est-il juste incapable de prendre une bonne décision. Tant pis. Il n’est pas un homme à trop réfléchir, toujours mené par ses instincts et ses émotions. « Je ne pense pas non plus que tu es méchante. » avoue-t-il tristement. Il pourrait, pourtant. Une liste longue comme le bras des moments où elle a pu le blesser, dans le passé. Peut-être que d’autres qualifieraient la façon dont elle l’a coincé dans cette pièce de méchant aussi. Mais il ne peut s’empêcher de se demander si elle est juste aussi désespérée que lui. Son regard s’égare vers le sol un moment. Comme un peu plus tôt, il finit par lever le bras pour s’emparer de son poignet et la tirer vers lui, sans lui demander son avis. Son petit corps encore mouillé qui vient entrechoquer son torse nu et ses bras qui se referment autour d’elle avant qu’elle ne puisse s’y échapper. Peut-être ne veut-elle pas de ça… non, sûrement. Même si l’étreinte ne dure qu’une seconde alors ce n’est pas grave. Lui aussi il en a besoin. Lui aussi a besoin d’être rassuré. De savoir que tout va bien. « Tu m’as vraiment manqué. » souffle-t-il, le menton posé contre ses cheveux mouillés. Il se force à ne pas le reprendre. À ne rien ajouter à sa suite pour le minimiser. Parce que c’est vrai. Tout son corps s’est mourut de ça depuis trois ans. Même si ce sont pour des mauvaises raisons, même s’il ne devrait pas… cela reste la réalité des choses. Tant pis si elle s’en sert contre lui. Il n’a qu’à être plus fort. « Ne sois pas si méchante avec toi même. » souffle-t-il en laissant une main remonter dans son dos pour le caresser, « moi je ne pense rien de ça sur toi. » souffle-t-il en hésitant un instant, posant finalement sa deuxième main sur l’arrière de son crâne pour caresser ses cheveux. Il sait que tout cela n’est qu’un répit qui ne durera pas. Il la tient kidnappée contre lui alors qu’elle ne le veut probablement pas. Mais il se dit juste une seconde de plus. Juste une… « Tu as raison. Tu ne devrais pas me parler. Si ça te met dans cet état alors… moi aussi… je ne veux pas »  souffle-t-il, essayant de rassembler ses forces pour la laisser partir.

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Qui torturait qui au final ? Dambi n’était plus sûre de rien. Elle ne voulait plus y songer, se raccrochant au peu de fierté qu’il lui restait tandis qu’elle semblait abandonner derrière elle quelque chose de vital. Quelque chose qu’elle-même n’avait pas conscience d’avoir. Ou qu’elle ne voulait pas avoir. Ne supportant pas porter quelconque faiblesse. Ne voulant s’imaginer sombrer dans les ténèbres d’un labyrinthe sans fin comme sa mère. Qu’est-ce que ça lui apporterait ? Qu’y gagnerait-elle à éprouver ce genre de choses ? Rien. Absolument rien. Si ce n’est cette détresse qui la prend aux tripes, ce tremblement qui agite ses membres, ce nœud qui serre ses entrailles et cet étau qui comprime toujours plus sa poitrine. Il n’était pas trop tard. Tout n’était que séquelles d’un passé trop houleux. Simple fantôme de ce sentiment d’abandon qui l’étreignait plus intimement désormais qu’elle en voyait la marque gravée sur sa peau. Ça partirait. Il lui suffisait de s’en aller. De l’abandonner, lui, pour pouvoir survivre, elle. Il n’y avait là aucun choix à faire. Juste une évidence qui s’imposait. Il n’était rien. Il n’avait jamais rien été. Qu’un homme parmi un autre. Juste un jouet qu’elle avait gardé un peu trop longtemps et l’avait visiblement empoisonnée. Mais ça passerait. Rien n’était inéluctable. Ce qu’elle avait fait aujourd’hui… N’était que stupidité, la hargne trop présente lorsqu’elle l’avait croisé. Ne s’attendant pas à devoir partager l’une de ses affaires. Embrouillée par son discours et la lueur dans ses obsidiennes pour lui octroyer pareil baiser. Il ne signifiait toutefois rien. Rien qu’une action faite sous le coup de l’impulsivité. Son corps juste frustré de son refus brutal et ses changements d’avis à répétition. Tout allait bien. Tout était sous contrôle. Aucune part d’elle ne s’était brisée sans possibilité d’être rassemblée. Il lui fallait juste… De l’air. De l’espace. Se le sortir de la tête quel qu’en soit le moyen. Sans plus tarder.

Elle savait ses mots violents quand elle les avait énoncés, voulus blessants au fond, toujours dans l’attaque, incapable de se complaire dans une défense passive. Voyant dans le silence et l’acceptation une faiblesse de l’esprit. Elle prenait un coup ? Elle en rendait deux. La réalité était cruelle et elle ne s’était jamais cachée de l’être aussi. Pourtant, elle avait cru qu’il… Non. Elle n’avait rien cru du tout. Il n’était pas différent. Il ne l’avait jamais vue autrement et cette vérité qu’il lui placardait là en faisant encore une fois d’elle la méchante, prenant le rôle sans même chercher à le démentir, était une autre claque qu’elle se prenait. Pourtant elle aurait dû être heureuse de l’être. De voir qu’elle était celle qui menait la danse et n’avait jamais été atteinte par quoi que ce soit, maître marionnettiste assénant ses décisions comme des lois. Alors pourquoi réagissait-elle ainsi ? Pourquoi se sentait-elle si mal et incomprise ? Elle n’y comprenait décidément vraiment rien. Et elle était lasse de tout ça. Pourquoi avait-il fallu qu’elle le recroise ? Elle aurait mieux fait d’écouter sa mère. Viser les étoiles. Prendre sans rien donner. Bouffer avant d’être bouffée. Aujourd’hui tout prenait un sens plus aiguisé, ravivant la blessure infligée des années en arrière. Les jours à attendre qu’il revienne comme une âme en peine. Elle en avait fini avec le pathétique. Hors de question qu’elle se souvienne de ce qu’elle avait enterré si profondément qu’elle pensait qu’il n'avait jamais existé. Mais là encore, c’était visiblement trop demander.

Stoppée dans son élan, forcée de freiner des quatre fers, ses orbes sombres le fusillent du regard alors qu’il lui bloque l’accès. Que faisait-il ? Lui qui était il n’y a pas une minute prostré contre le mur, victime de son comportement et recroquevillé sur lui-même à refuser de la regarder… Qu’avait-il encore à dire ? Ne venait-il pas de lui demander avec gentillesse et politesse de dégager pour retrouver Minsoo ? Si, il lui semblait. Et maintenant quoi ? Il changeait encore d’avis ? Alors qu’elle lui donnait ce qu’il semblait avoir toujours voulu ? La rayer de sa vie. Il se foutait de sa gueule. Il devait vraiment se foutre de sa gueule pour oser se tenir la et lui déclamer qu’elle n’était pas folle. Dans ce cas, elle était quoi ? Etait-ce lui ? Visiblement puisqu’il s’était mis en tête de réfuter tout son discours. Ainsi n’était-elle pas méchante. Menteur. Il mentait comme il respirait, la faisant le haïr un peu plus. Soulever douloureusement sa poitrine qui manquait déjà d’air, la perle de sel roulant sur sa joue, invisible, attirée à lui dans le même temps. Incapable de le repousser. Incapable de se débattre ou parler, poupée de chiffon inerte entre ses bras, les yeux écarquillés pour que la rivière de diamants ne s’écoule pas. Pourquoi ? Pourquoi la prendre dans ses bras quand elle y était plus tôt ? Pourquoi lui faire croire à quelconque affection quand venant d’elle, l’étreinte avait été rejetée et jugée indésirable ? N’était-il pas las d’ainsi toujours souffler le chaud et le froid, arguant quelque chose pour le réfuter la seconde d’après ? Distillant l’espoir pour l’écraser plus sûrement sous sa semelle ? Elle n’en pouvait plus. Elle ne le croyait plus, lui qui avait semblé si prompt à la sincérité et étalait ses sentiments à ses pieds… Elle ne le reconnaissait plus. Elle n’était même plus sûre que ce soit lui, la douleur pourtant lancinante de son palpitant saigné à blanc ne lui rendant l’évidence que trop présente. Il avait changé. Et elle qui avait tant espéré qu’il remballe ses mots auparavant aurait crevé pour les entendre aujourd’hui. Seulement… Seulement elle n’y voyait plus la moindre sincérité, après toutes ces versions, le sourire qui perçait sur ses lèvres camouflées ressemblant plus à une grimace désespérée qu’autre chose. Non, elle ne lui avait pas manqué. La preuve en était de cette esquisse sur sa peau, serrant plus vivement encore ses poings tandis qu’elle sentait son cœur écrasé par sa main, sur le point d’imploser. Elle le détestait. De lui dire tout ça sans le penser. De passer encore et toujours pour le gentil. De la retenir quand elle ne le voulait pas. De ne pas pouvoir la contenter quand bien même elle ne savait ce qu’elle désirait au fond. Pas ça, en tout cas. Certainement pas ça, se dégageant de ses bras comme si son simple toucher l’avait brûlé. Et peut-être était-ce bien le cas.

Ses obsidiennes se plantent droit dans les siennes avec cette même hargne qui l’avait toujours caractérisée, laissant encore une fois libre cours à cette colère qui déferlait en elle, véritable tsunami, seule capable de taire un instant la douleur. « Pourquoi tu joues au gentil garçon ? Tu ne veux pas me voir comme ça ? Tu ne veux pas me parler si c’est pour que je m’énerve ? » Et elle rit, étouffant la blessure pour ne plus être que colère. « Tu es celui qui m’a dit de partir. Celui qui semble ne pas supporter ma vision et se plaque au mur opposé, à fermer si fort les paupières qu’il n’est pas compliqué de deviner que tu pries pour que je n’existe guère ! Mais quoi ? Tu es soucieux de mes sentiments et tu veux faire ce qu’il y a de mieux pour moi ? T’as pas fini de te foutre de ma gueule ?! » Elle était bien folle. Folle de rage. Folle de lui et tout ce qu’il représentait, ses poings tremblant avant qu’elle n’arrive à en délier un et s’ose à pointer la plume, enfonçant au passage son ongle dans la peau. « Et ça, c’est quoi alors ? Puisque je suis blanche, selon toi, explique moi ! Je ne suis pas méchante ? Alors pourquoi tu t’es cassé il y a des années ? Je t’ai manqué ? » Sa voix se brise, rendant son rire plus dissonant encore, forcée de baisser le regard, ne soutenant plus sa vision, le reportant sur cette immondice s’étalant sur sa hanche. « Ose me dire que cette chose ne signifie pas combien tu étais content et libéré de me laisser. Ose me dire que je n’étais pas qu’un boulet qui t’empêchait de voler !!! » Elle ne le savait que trop. Combien elle avait été mauvaise avec lui. Combien elle l’avait fait souffrir, parfois volontairement. Elle ne le niait pas. Elle ne mentirait pas comme lui. Puisqu’il n’y avait qu’elle à oser dire les choses, elle le ferait. Elle prendrait le blâme. Elle disparaîtrait. Mais pas pour lui. Pour son propre bien. Sachant pertinemment qu’elle appuyait sur une blessure purulente. Faisant exprès d’y enfoncer profondément son doigt pour ne plus avoir l’occasion de faiblir à nouveau. Qu’il n’ait plus jamais l’occasion de lui faire croire que… « Alors sois sincère au moins une fois dans ta vie et dis le. Que je suis une tâche dans ta vie. Que tu étais mieux sans moi. Que tu préférerais être partout sauf ici. Qu’as-tu à perdre ? J’exauce ton vœu le plus cher, non ? Celui que j’ai brisé en venant dans cette putain d’agence. » Le destin était vraiment vicieux. Ou était-ce elle qui sans s’en apercevoir avait choisie celle qui lui semblait la plus familière ? Peu importait. Le mal était déjà fait. Et maintenant... Maintenant il lui faudrait vivre avec.

Il ne tente pas de se mentir. Il sait que probablement, elle ne réagira pas bien à ce qu’il fait. Parce qu’il la connaît. Il lui dirait ça directement yeux dans les yeux qu’elle le nierait jusqu’à la fin du monde mais il la connaît. Trois années à l’observer et à s’amouracher de tout ce qui faisait partie d’elle, même les parties qui l’avaient blessé et qui continuent à le faire. Ne peut-elle pas comprendre ça ? Ce que l’amour fait. Qu’il puisse à la fois envie de pleurer et de rire d’un seul et même fait. Qu’il puisse avoir envie de l’avoir contre lui et tout autant si loin. Mais sûrement que tout autant qu’il ne la comprend pas, elle doit le comprendre encore moins. S’il savait… s’il savait ce qui se passait dans sa tête, s’il savait ce qui se passait dans son cœur, probablement que les chemins auraient été différents. Plus direct, plus facile. À la voir se renflammer de plus belle, son regard sombre accroché au sien, il ne peut que sentir son corps se détendre un peu plus. N’est-ce pas absolument ironique ? Plus elle s’énerve et plus il s’adoucit. S’il écoutait sa fierté alors il s’énerverait lui aussi à son tour. Mais à quoi est-ce que cela servirait ? Dambi ne pourrait pas l’écouter. Pas dans cet état, pas dans le futur. Il ne voit dans ses longues tirades que l’expression la plus pure d’une douleur dont la naissance lui est inconnue. Elle n’aurait pas besoin d’autant se battre si les choses étaient aussi simples, pour elle. Même s’il ne peut commencer à deviner ce qui se trame en elle, il peut au moins reconnaître ça.

Si elle veut continuer à s’essouffler alors il la laisse. Décidant de ne pas prendre personnellement ce vomi verbal teinté de douleur et d’agressivité. Décidant de ne pas laisser son corps se tendre sous ses exclamations et sa voix élevée qui tape douloureusement dans ses tympans. Qu’elle dise tout ça. Qu’elle le dise si c’est tout ce qu’elle pense. Qu’elle le dise si elle n’a jamais pu lui dire. Il lui semble tout aussi étranger que rassurant de la voir agir comme ça devant lui, elle qui le traitait avec autant d’indifférence, dans le passé. Il n’y a ici rien d’indifférent. C’est même tout le contraire, Hyunwoo ayant l’impression d’assister à une véritable explosion sans savoir quoi faire pour la calmer. Peut-être n’a-t-il rien besoin de faire. La laisser s’épancher alors qu’il est devant lui, parfait sujet pour le recevoir. Ignorant ces pensées qui viennent le torturer et lui disent de la croire. Si elle lui offre de la colère alors il peut la refuser. Si elle lui offre du dégoût, du jugement, de la rage… il peut tout balayer du bord de la main. Il n’a jamais autant compris que maintenant que chacun des mots qui sort de sa bouche en révèle un peu plus sur elle. D’une façon étrange, cela lui fait plaisir. Qu’elle s’ouvre un peu plus à son égard, à sa façon. Qu’elle se montre vulnérable, d’une autre. Elle ne l’avait jamais fait auparavant. N’est-ce pas là preuve que les choses ont changé ?

Il ne peut que serrer les dents. Lorsqu’elle enfonce cet ongle douloureusement dans sa peau, et continue de parler. Son corps se remettant des émotions ressenties un peu plus tôt et qu’il ne veut plus accueillir. Le sentiment de devoir subir. De n’avoir aucun choix. D’être faible et de n’avoir aucun libre arbitre. Tout ça aussi ce sont des mensonges. N’a-t-il pas changé ces trois dernières années lui aussi ? Elle peut l’appeler lâche et il peut se complaire dans le rôle. Il peut tenter de se dépasser et surpasser ces craintes pour attraper un élan de courage, même temporaire. Qu’a-t-il à perdre de toute façon ? Il n’a pas envie de retomber dans la relation malsaine qu’ils entretenaient autrefois. Jamais.

Ses mots finissent enfin. Il reprend son souffle. S’accroche aux certitudes solides dans son cœur pour ne pas se laisser tanguer face aux mensonges qu’elle agite devant lui. Ce serait si facile de les attraper. De lui dire que tout ça est vrai. Mais est-ce que ça les aiderait, vraiment ? Son regard s’égare un instant… avant de revenir en direction du sien. Un esquisse de sourire relevant à peine les coins de ses lèvres. « Je suis désolé, Dambi. » souffle-t-il en soutenant ses yeux sans s’y échapper. C’est pourtant difficile. L’envie de fuir à nouveau, de l’avoir là si près de lui. Le danger qui semble rôder aux alentours et qui lui dit de se renfermer. De se protéger. Son sourire qui s’agrandit un peu plus. « Je n’y peux rien. Tu veux que je te mente mais je n’y arrive pas. J’ai essayé un peu plus tôt. Est-ce que ça t’a semblé crédible ? » lance-t-il avant de laisser un rire peiné lui échapper. Toute cette situation est absurde. Grotesque. Mais n’est-ce pas s’abandonner aussi que se bâillonner ? N’est-ce pas s’abandonner que de ne pas souffler sa vérité ? Qu’importe si elle ne le croit pas. Cela n’a rien à faire avec lui. Mais lui… « Tu ne sais pas ce que c’est que d’aimer quelqu’un… mais de ne pas vouloir répéter les erreurs du passé ? » souffle-t-il en enfonçant un peu plus profondément son regard dans le sien. Tentant de parler directement à son cœur en espérant être entendu. Qu’importe. Qu’importe si ce n’est pas le cas mais il ne peut étouffer entièrement l’étincelle d’espoir qui naît en lui, à la voir réagir de cette façon. « Tu ne sais pas ce que c’est de vouloir quelque chose à en crever mais de se rappeler combien la redescente était dure, à céder ? » Son regard qui s’humidifie un peu. La douleur de son ongle qui continue à pulser, tout contre son tatouage. « Mais si tu veux entendre toutes ces choses.. Je peux me forcer. Je peux me forcer à les dire mais je ne les ressentirais pas. Est-ce que ça apaiserait ta peine ? Est-ce que tu cesserais d’avoir mal ? » souffle-t-il en sentant sa gorge se resserrer. Il n’avait pas pensé se retrouver dans une situation aussi triste aujourd’hui. Repartira-t-il plus heureux qu’avant ? Ou est-ce que tout ça n’aura fait qu’empirer la tristesse dans son cœur ? « Tu peux choisir la version de moi que tu veux. Puisque je ne cesse de changer d’avis. » ajoute-t-il dans un murmure, s’arrêtant une seconde avant de terminer. « Celle qui s’en fout de toi, » un silence. « Ou celle qui t’aime à en mourir. » Une pause. « Mais ne te fourvoie pas sur celle qui est la vérité. Tu choisis la mauvaise, Dambi. Je te l’assure. »