nam chulsoo

nouveau tirage

Revenir ici sans Nayung est juste une expérience malaisante. L’air apeuré ne cesse de quitter son visage et son regard s’accroche aux passants, imaginant qu’ils auront quelque chose à dire de cet homme qui semble ne pas savoir quoi faire seul. Son corps renfermé et ses jetons au creux de la main, il ne peut pourtant pas abandonner ici. Malgré le stress qui prend son corps, malgré sa gorge qui se resserre perceptiblement, Chulsoo tente de se donner du courage. Du bout des doigts, le jeune homme vient tapoter l’inhalateur qui est soigneusement caché dans sa poche. Tout ira bien. Il n’a pas choisi la meilleure heure pour sortir : trouvant dans la foule du milieu d’après midi quelque chose de particulièrement angoissant. Déglutissant difficilement, le jeune homme ne peut qu’enfoncer le jeton dans la machine, attendant patiemment. Comme si la machine devait marcher pour lui. Il l’a pourtant déjà fait… ce n’est pas comme ça qu’il attrapera une nouvelle peluche.

Ses doigts légèrement tremblants agrippent la manette. Alors que ses yeux s’accrochent à l’ours, Chulsoo pourtant ne s’autorise aucunement à le désirer. Il avait eu… bien trop de chance la dernière fois déjà. Ce serait sûrement la pousser que d’imaginer pouvoir gagner quoi que ce soit. Il ne tente pas particulièrement d’attraper quoi que ce soit : pour se préparer psychologiquement à la douleur qui viendra de ne rien avoir. Et alors que la pince se baisse et se referme, c’est exactement ça. Le vide. Elle revient à sa place et il reste là sans rien faire un moment. Est-ce que c’est vraiment si bien que ça ? De ne rien vouloir. De se persuader… qu’il ne veut rien. Alors qu’au fond de son coeur bat douloureusement la flamme du désir qu’il ne peut éteindre. N’est-ce pas pire encore ? Que de ne pas être honnête avec lui même. Alors peut-être que oui. Il veut cet ourson. Et peut-être… qu’il le veut exactement pour la personne dont l’image passe derrière ses paupières et qu’il chérit tant.

L’éclair de motivation passe derrière ses yeux. Cette fois-ci, Chulsoo se concentre. Il ne vise pas l’ours directement : peut-être parce qu’il manque de confiance en lui et s’imagine très bien qu’il serait mieux d’être réaliste que trop optimiste. Apeuré à l’idée d’être déçu, il se concentre et bouge la pince durant de longues minutes… si longtemps que la pince descend toute seule avant qu’il ait appuyé sur le bouton, sûrement parce qu’il a pris trop de temps. Non ! Sous son regard effaré, la pince descend pile au mauvais endroit et n’attrape absolument rien. Ses sourcils se froncent. Un soupir déçu s’échappe de ses lèvres et son visage se contorsionne dans une moue qui le fait ressembler à un chiot, plus qu’autre chose. Trois malheureux jetons lui restent. Ce serait… juste humiliant s’il n’avait à rien gagner. Sans pouvoir s’en empêcher, il ne peut que penser à Sangwoo qui avait été si bon à la machine. Cette pensée seule le pousse à être un peu plus compétitif.

Peut-être est-ce parce qu’il est trop stressé. Peut-être est-ce parce qu’il s’accroche tant à l’idée de vouloir dépasser Sangwoo. Ses doigts sont si crispés sur la manette que Chulsoo se fait mal : et son regard de chiot s’accroche de façon paniquée à tout ce qui est à l’intérieur de la machine sans pouvoir se détendre. Son coeur bat tellement vite dans sa poitrine. Au moins… au moins Nayung n’est pas là, pour le voir perdre misérablement. Il se sent coupable. Comme s’il avait fait exprès de perdre, il se demande là si tout est de sa faute : s’il est juste nul de naissance, et si toute sa vie ne sera qu’une série de malchances. Incapable de voir les choses positivement, alors qu’une troisième fois il rate, c’est la mort à l’âme qu’il insère son avant dernier jeton. Espérant au moins gagner des malheureux bonbons et ne pas repartir les mains dans les poches : même si heureusement, personne ne sera spectateur de sa misère, dans tous les cas.

Les larmes menacent de percer. Se retenant de frapper la machine de frustration, imaginant bien que les autres ne feront que lui prêter plus d’attention s’il se laisse aller à une telle émotion. Il ne peut s’empêcher de se lamenter. Qu’a-t-il fait ? Est-il si nul que ça ? Trouvant même dans la malchance d’un jeu si bête que la pince une manière de se flageller mentalement : y voyant là la preuve d’un karma qui viendrait d’on ne sait où. Il n’a pas fait assez. Il devrait faire plus. Il n’y a plus qu’un jeton désormais dans ses mains et il ne peut s’empêcher d’abandonner entièrement. Peut-être que vouloir est le problème ? Ne pouvant s’empêcher de penser à ce qu’il a voulu pendant vingt ans sans rien faire pour, et pourquoi ? Par peur. Peur de rater. Peur d’être rejeté. Voyant dans la pince affreuse une confirmation de ses pires doutes : il ne sert à rien d’espérer, si la chute est si violente. Il enfonce son dernier jeton, l’espoir mort en lui.