i am burnt out, i smell of smoke, it slips through her cracks and so i start to choke
un oiseau gris a quitté sa cage
pour voir de plus près le soleil
fatigué d'être trop sage
il voulait voler chaque couleur de l'arc-en-ciel
de plumes ternes à chatoyantes
et un nouveau monde à sa portée
il fut pourtant pris par la peur constante
de pas savoir y subsister
alors pour voler un peu plus haut
il est devenu l'étoile la plus belle
sans voir qu'à nouveau
on voulait rendre grise ses ailes
un oiseau gris a cherché à fuir
sans trouver la liberté
il n'a plus la force de tenter de détruire
ses nouveaux barreaux dorés --
yoo jae, dec. 2020-- fall 2020 -- Drôle de sentiment à me regarder dans le miroir. Je me demande si c'est moi, cette figure épuisée qui me fixe dans la glace : on dirait un inconnu qui me ressemble. Il a les yeux marqués d'ombre et l'air éreinté. Peut-être que c'est moi. Je m'y reconnais plus, mais moi non plus, je me reconnais plus. Parfois, je me demande si j'ai vraiment changé ou si je suis simplement quelque part, au fond d'un corps qui avance sans réfléchir, endormi à attendre de pouvoir à nouveau exister - attendre de pouvoir à nouveau respirer.
Laissez moi respirer. Je hurle en silence sans même m'en rendre compte, parfois, je crois que ça va, je crois que je tiens bon, je crois que je vais bien, mais si je vais bien, si je tiens bon, pourquoi j'ai la boule au ventre à chaque fois que commence une nouvelle journée ? Ça ira jusqu'à ce que ça n'aille plus. Après tout, voilà tout ce que j'ai toujours voulu. Après tout, je vis un rêve. Où s'arrête le rêve ? Où commence le cauchemar ? Tout va bien.
Je voudrais simplement dormir. Je tiens le coup.
Je suis épuisé. Je crois que c'est normal, après tout. C'est comme ça, que fonctionne le monde.
Il faut travailler dur.Ces mots résonnent encore et toujours.
Il faut travailler dur. Et alors...C'est drôle, comme je pensais m'en être libéré, de ces maximes et ces principes, de cet idéal, ce but rébarbatif.
Il faut travailler dur, et alors, tu auras réussi dans la vie.Des murs d'une salle de classe à ceux d'une salle d'entraînement, d'un studio d'enregistrement, d'un plateau de tournage, encore et encore, toujours enfermé. D'une prison à l'autre...
Tu dois réussir dans la vie, Jae. ...au fond, on ne s'en libère jamais.
J'ai réussi dans la vie.Malgré les écarts de parcours et les sombres augures, les échecs passés et les mois de dérive.
J'ai réussi dans la vie.C'est ma chance.
C'est comme ça que je pourrai y arriver.
Comme ça, et plus autrement.
J'ai réussi dans la vie, et je ne peux pas tout gâcher.Pour leur montrer qu'ils ont eu tort, pour montrer que j'en suis capable.
Alors je continue,
toujours plus fort,
toujours plus vite,
et ça ne s'arrête jamais,
tous les jours, un nouvel effort,
un peu plus de travail,
je dois toujours
travailler
plus dur
encore
et encore
sans jamais m'arrêter
c'est ma chance
c'est mon rêve
c'est un cauchemar.Encore, et encore, et encore,
je ne peux pas m'arrêter. Encore, et encore, et encore,
y a que le travail qui paie. Qui s'intéresse à mes petits états d'âme ? Personne ne les entend, je les ignore aussi.
Et eux, qui crient mon nom, eux qui disent m'adorer, eux à qui je dois tout, est-ce qu'ils le voient ? Puis ceux qui tiennent les reines, qui hochent la tête en voyant les chiffres grandir à chaque fois qu'on s'éreinte pour offrir un peu plus de contenu à vendre, et ceux qui partagent mon rêve, est-ce qu'ils le voient ? Est-ce qu'ils ont vu que chaque jour qui passe, je m'use un peu plus ? Est-ce que vous le savez, vous, que
je suis en train de disparaître ? Personne ne me voit, moi, ou du moins le moi qui étouffe sous l'effort, le moi qui se tait pour laisser la place à l'autre, à celui qui brille et qui fait hurler la foule.
On l'a vu lui, pourtant. Je suis presque jaloux. Pendant qu'il se repose et qu'on prend soin de ne pas le brusquer, je brûle en silence, regarde sans un mot alors que je me vois partir en fumée.
Je ne dis rien, moi. Je n'ai pas fait de crise, je n'ai pas de problème
d'angoisse (alors pourquoi j'ai du mal à respirer quand la panique m'étouffe à me dire que je dois y retourner ?), je n'en parle pas, je ne montre rien.
Pourtant, moi aussi,
je meurs à petit feu.Mais ça doit pas être si grave, puisque chaque jour, à chaque fois, j'arrive à me lever, et continuer, et me convaincre que ça va jusqu'à ce que je puisse à nouveau penser, quand les lumières s'éteignent, les quelques secondes avant que je ne m'écroule sur mon lit (mes seuls moments de paix). Et alors, je pense que je peux plus, que je n'y arrive plus,
que je vais m'effondrer. Et je pense que tout doit s'arrêter, au moins une seconde, un instant.
Je veux juste un moment. Une fraction de seconde, un peu de temps,
pour pouvoir respirer (au moins un peu) (juste un souffle avant de repartir),
mais je ne dis rien. Je reste ici, silencieux et immobile, à penser à tout ce que je voudrai faire sans le pouvoir tant la fatigue me vole tout. Je pense à mon carnet aux pages que je ne noircis plus depuis longtemps ; parce que lorsque j'ai l'énergie de m'asseoir devant avant de m'endormir, mon esprit est vide de tous mes mots, de toutes mes images, parce que chaque fraction d'énergie et de créativité qu'il me reste est offerte à ce rêve cauchemardesque, parce que je ne suis plus bon à rien hors de ça, l'ombre de moi-même, mon corps une machine qui fonctionne en mode automatique sans que je ne sois vraiment au commande. Je pense que je vais craquer, parce que je ne sais pas comment faire pour que ça s'arrête. Je pense que je vais m'évaporer, un jour, cesser d'exister vraiment, qu'un jour, je n'arriverai plus à me lever.
Puis la nuit passe,
et le soleil se lève.
Une nouvelle journée, encore,
le soleil se lève toujours,
et je continue. Encore.
Et je me lève comme tout le monde, je ravale ma fatigue et je vais travailler. Encore. Même si j'en vois plus la fin.
Même si je me noie. Même si je n'en vois même plus le plaisir. Puisque j'arrive encore à continuer, tant que j'y arrive encore, que mon corps accepte de se plier à toujours plus d'effort, que je tiens la route, je n'ai pas le choix que de
continuer à avancer - tant que ça fonctionne, je peux continuer à prétendre que je ne suis pas prêt à suffoquer.
Et je continuerai, en ignorant ce qui me pend au nez. Je peux encore prétendre que je ne vois pas l'usure de la corde, que je ne vois pas qu'elle est sur le point de casser, d'un coup et sans prévenir. Un jour, peut-être qu'elle finira par lâcher pour de bon. Un jour, peut-être que je ne me lèverai plus.
Ce jour là, je ne sais pas ce que je vais devenir. C'est peut-être ça, de ne plus savoir qui on est, en dehors de ce pour quoi on a
trop tout donné. Je crois que si je continue, c'est que j'ai trop peur d'y penser.