→ piste 1

dernière ligne droite et la tension qui ne retombe pas ;
avec les cris des fans en mélodie de fond que raphaël ne perçoit presque plus,
les yeux rivés sur la piste qui défile vite, trop vite –
avec l’éclat de rire qui résonne un instant lors d’un nouveau virage.
dans quelques secondes ça sera terminé.
dans quelques secondes ça sera le retour à la réalité ;
avec la poitrine qui se soulèvera trop vite à cause d’un souffle saccadé.
mais il ne préfère ne pas y penser, juste profiter de l’euphorie juvénile qui revient en nostalgie –
après, ça sera peut-être la mélancolie,
avec les souvenirs balayés derrière, même si raphaël a peu de regrets.
et lorsqu’il franchit enfin la ligne d’arrivée,
la courbe de ses lèvres n’est pas retombée –
avec les yeux qui cherchent le score et l’âme qui demande déjà à y retourner,
histoire de cueillir une fois de plus ces sensations quelques peu oubliées,
comme les montagnes russes ou le sable sous ses pieds.

Mais qu'est-ce qui m'avait pris de choisir cette discipline, au juste? Ça m'avait parut bien rigolo jusqu'au moment de devoir mettre un casque et de voir à quoi ressemblait la piste. Pourvu que je ne me blesse pas... pourvu qu'il ne m'arrive rien, déjà que j'avais eu bien chaud durant l'épreuve de snowboard, là. Ils étaient plusieurs à s'être fracassé la figure et j'espérais sincèrement ne pas être de ceux-là, parce que bon, c'était pas le moment de se casser un truc: on avait encore plein de promo sur les bras, avec le groupe. Inspirant profondément, je me sentis trembler lorsqu'on prononça mon prénom, mais avançais tout de même jusqu'à la ligne de départ avec ma luge, le coeur vibrant comme jamais. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer, hein? On allait... juste glisser jusqu'en bas de la piste, une vraie promenade de santé, n'est-ce pas? Ha... haha...

Trop tard pour appeler maman à la rescousse. Une fois mon masque en place et mes larmes de peur refoulées, je vins me placer près de la ligne de départ et me mis en position comme on nous l'avait appris aux entrainements, tout en essayant de camer mon stress avant le départ. La seule façon d'y parvenir fut étonnamment d'imaginer mon manager en mauvaise posture. Un truc, bien ridicule... du type, le mec constipé aux toilettes, qui se rendait tout à coup compte qu'il n'avait plus de papier pour s'essuyer. Ah oui, voila, le sourire me revenait aux lèvres, juste à temps pour m'élancer sur la piste, bien positionné sur ma luge (c'était quand même le sport le plus ridicule au monde, quand on y pensait... comment est-ce que les gens étaient censés pouvoir trouver ça sexy ou classe ?). L'avantage, c'est qu'au moins, une fois parti, il était trop tard pour regretter ou pour crier.

Oh bon sang, oh bon sang, oh bon sang, le virage de la mort. Help. Heeeeeelp, sortez-moi de là, je vais mourir, je vous jure que je vais mourir, pourquoi je suis monté sur cette luge pourquoi je suis venu ici pourquoi je suis pas resté au lit pourquoi j'ai fais mon meeeeeeec ?! Crispé comme jamais à la planche sur patins, je n'entendais même pas les encouragements des fans à l'extérieur de la piste et ce n'est qu'une fois passé la ligne de fin de parcours que mes muscles se détendirent. Vivant. Vivant, mais dieu sait que je ne faisais pas le malin. D'ailleurs, pour préserver ma crédibilité, je choisis de ne pas retirer mon masque du visage tout de suite et me levais lentement sur mes jambes toutes tremblantes, sans même faire gaffe au chronomètre. La priorité était clairement de quitter les lieux, de me poser dans les vestiaires chauffés et de boire un chocolat chaud réconfortant, avant de rentrer à l'hôtel. Oui, voila, comme les enfants. L'expérience m'avait tellement traumatisé que je me sentais d'humeur à être gentil avec toute l'équipe.

Score :  4'40'' + 3'00'' + 4'00'' = 11'40''